Il existe une variété de qualificatifs et designs pour classifier les égalisateurs (EQ) : Phase minimale, phase linéaire, passif, actif, paramétriques, semi-paramétrique, graphique, dynamique etc. Pour démêler tout ça, je vais vous classer les EQ sous deux grandes catégories, soit les EQ créatifs et les EQ chirurgicaux. Ou, plus «poétiquement», EQ chaud, EQ froid.
Pour être bien clair dès le départ, malgré la connotation négative du concept du «froid», il n’y en a pas un type d’EQ supérieur ou inférieur à l’autre.
Dans cet article, je vais ouvrir le capot d’EQ typiques de chaque catégorie et vous montrer les différences fondamentales au niveau technique. Grâce à Plugin Doctor de DDMF, un logiciel d’analyse, on peut observer ce qui se passe au coeur de n’importe quel module d’effet. Téléchargez le, c’est très amusant si vous êtes curieux et «geek». La version gratuite est fonctionnelle avec quelques interruptions seulement. Le logiciel vous permet de mieux vous familiariser avec vos outils de travail, vous assurer qu’ils sont fiables et de haute qualité et ainsi de mieux les utiliser. Vous pouvez aussi utiliser l’application pour analyser du hardware si le coeur vous en dit.
Des volontaires pour se faire analyser?
Pour le besoins de la démonstration, j’ai choisi deux EQ populaires de chaque catégorie.
EQ froid : Fabfilter Pro Q3 et TDR Nova GE
Les deux peuvent servir en mode dynamique, mais pour les besoins de la démonstration nous observerons seulement la fonction statique.
EQ chaud : Kush Audio Hammer et Soundtoys SieQ
Deux EQ de qualité avec beaucoup de personnalité.
Nous allons comparer les principales caractéristiques avec les paramètres neutres. C’est à dire tout est à 0. Les caractéristiques observées sont la réponse en fréquence, la distorsion harmonique, le bruit de fond, la distorsion de phase et l’action dynamique.
La réponse en fréquence
Tout d’abord, sur un EQ dit froid, quand on ouvre l’effet et qu’on n’applique aucun paramètre on doit s’attendre à ce que le signal qui y passe en ressorte intact. Aucunement affecté. Pas de personnalité! On pourrait faire un «null test» avec le signal d’origine et on obtiendrait le silence total. Vérifions ce que Plugin Doctor nous donne pour le Pro Q3 et sur TDR Nova


Exactement ce que l’on doit s’attendre de ce type d’EQ. À gauche, les paramètres sur lesquels nous avons un contrôle. À droite, la réponse réelle lue dans Plugin Doctor.
Voyons maintenant ce que ça dit sur l’autre catégorie.
Sur un EQ dit chaud, au contraire, le signal sera affecté même si on décide de laisser tous les paramètres à la position initiale. On peut utiliser ces effets comme des «tone box». Cela consiste à placer l’effet sans utiliser les paramètres et ainsi profiter de la signature sonore de l’EQ. Quand la source qu’on veut traiter manque de personnalité, c’est un traitement simple qu’on peut appliquer, en plusieurs couches subtiles, comme du vernis.


Remarquez sur l’image de gauche que tous les paramètres sont effectivement à zéro et que l’EQ modifie tout de même la réponse en fréquence de votre source (image de droite). On pourrait essayer avec une multitude d’EQ et on obtiendrait des courbes tout à fait différentes, plus ou moins prononcées.
Distorsion harmonique et bruit de fond
Techniquement, le terme distorsion réfère à n’importe quelle modification de la forme d’un signal audio et ce sans jugement sur la qualité subjective. Donc, distorsion harmonique = modification du contenu harmonique d’origine. De la distorsion harmonique bien implémenté est généralement souhaitable et bénéfique. Appliqué avec parcimonie, ça peut faire chanter un instrument. Dans le cas qui nous intéresse, pour l’EQ chaud, la distorsion harmonique a lieu même quand tous les paramètres son à 0. On voit qu’il y a de nouvelles fréquences qui sont générées, celle-ci qui n’étaient pas contenues dans le signal d’origine. Regardons ce que nous présente Plugin Doctor.


On remarque sur chacun des graphiques un long pic à 1000 hz, le plus long, au milieu. C’est la représentation de l’onde sinusoïdale qui sert à effectuer la mesure. Les fréquences supérieures sont les fréquences générées par le circuit, elle ont une relation mathématique directe avec le signal d’entrée. On remarque aussi que le SieQ va générer beaucoup plus de distorsion harmonique que le Hammer et va donc offrir une signature/modification plus apparente. Sur un instrument qui est déjà chargé harmoniquement comme une guitare acoustique ou violon par exemple, il vaudrait peut être mieux y aller avec un EQ qui génère moins de distorsion harmonique comme le Hammer plutôt que le SieQ.
Ah oui, les gribouillis juste dans le bas, c’est du bruit de fond. Je l’admet, ça a l’air intense, mais c’est plus de 100 dB sous le signal principal, donc plus ou moins audible.
Sur un EQ froid de qualité, rien de tout ça. Le circuit ne génère aucune de distorsion, aucun ou très peu de bruit de fond. Souvent, on veut être hyper transparent au mastering, voilà le type d’outil qu’on doit choisir si toute la «chaleur» et la «couleur» est déjà présente sur le mix et qu’on veut faire l’intervention ninja la moins apparente possible.


Distortion de phase
C’est l’élément qualitatif qui uni les deux type d’EQ. De par leur design, les EQ génèrent des distorsion de phase dès qu’on modifie l’équilibre harmonique, c’est fait comme ça. Seul un EQ à phase linéaire évite le phénomène au prix d’un légère résonance parfois audible (pre-ringing). C’est bien? C’est mal? Ni un, ni l’autre. Ça dépend de ce que vous cherchez à effectuer, mais c’est le sujet d’un autre article complètement. Dans les EQ que j’utilise pour les démonstrations, seul ProQ3 offre une option «Linear phase».
Si vous n’y comprenez pas grand chose et que vous vous ennuyez une bonne soirée, je vous invite à écouter cette vidéo deux fois d’affilée pour démystifier le tout une fois pour toute.
Sur nos modèles en exemple, le SieQ génère évidemment une distorsion de phase dès l’ouverture car il modifie également la réponse en fréquence, voir plus haut (réponse en fréquence). Hammer aussi, mais moins intense. Encore une fois, à l’ouverture l’équilibre harmonique étant affecté, la distorsion de phase est générée.




Modification dynamique
Un EQ statique qui modifie la dynamique d’une signal? hein?!? Oui, ça se peut. Avec un EQ froid ça ne risque pas d’arriver, sauf si on tombe en mode EQ dynamique, évidemment. Dans les EQ chauds, si on pousse le signal fort fort à dans le circuit on va provoquer de la saturation. La saturation est un mélange de distorsion harmonique, tel que vu plus haut et de compression. Dans nos quatre EQ, seul le SieQ offre un paramètre (bouton «Drive» à droite) qui pourrait potentiellement affecter la réponse dynamique du signal. Sur le graphique ci dessous, la ligne jaune est le signal de référence. La ligne bleue, la modification dynamique. On voit qu’à un certain niveau (près de -12.50 dB) le signal se fait compresser sauvagement, quand le drive est au maximum. Normal! Bref, ça vous donne une idée de la vigueur de la saturation qu’on peut obtenir avec cet EQ. Pour un EQ froid si vous poussez le signal à l’extrême, vous aller vous retrouver avec du clipping, une forme de modification dynamique non désirable.

On fait quoi avec toutes ces informations là maintenant?
Bien, j’ai bon espoir que ça vous amène une meilleure idée de quand utiliser quoi? En gros, typiquement on va utiliser un EQ froid / chirurgical pour faire des coupes de façon transparente, enlever de l’information qui n’est pas nécessaire ou qui nuit à la qualité objective et subjective de la source. On va aussi utiliser ce type d’EQ si on veut augmenter l’intensité de certaines fréquences sans en injecter de nouvelles. C’est généralement le genre d’EQ qu’on va utiliser au mastering si on désire préserver la personnalité de la source. Ou au mixage sur une piste qui a été enregistrée avec une chaine analogique déjà bien savoureuse.
L’EQ chaud sert à colorer une source qui manque de caractère. Les «boost» de fréquence seront plus audibles et souvent plus agréables avec ce type d’EQ. Par exemple, sur une basse un peu mince, j’aurais tendance à utiliser le SieEQ, augmenter les basses et les low mid, j’obtient aussi une saturation qui va générer des fréquences supérieures qui ont une relation directe avec les fréquences fondamentales de la basse. Ça permettra ainsi à enrichir l’instrument dans le registre harmonique supérieur et l’aider à mieux se positionner dans un mix complexe.
Oké bye là!
J’espère vous avoir aidé à démystifier un peu plus les égalisateurs en établissant deux grande classes. Pour la moyenne des ours, avec un ou deux EQ chirurgicaux et 3 ou 4 EQ créatifs vous devriez techniquement être en mesure de tout faire ce qui est nécessaire dans le cadre de votre travail. Le principal c’est de bien connaître ses outils et d’avoir confiance en eux pour arriver à oublier l’aspect technique et rester dans l’intuitif et le créatif.
Faites moi savoir si ça vous éveille des questionnement. Je tente de répondre à tout le monde!
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